Des promoteurs immobiliers et des investisseurs prêts à promouvoir des bâtiments passifs

La promotion immobilière cherche généralement à maximiser l’écart entre le prix du marché et le coût de construction, tout en assurant l’attractivité de sa production.

Si le passif génère à la construction des coûts supplémentaires, la construction passive peut alors apparaître comme peu intéressante pour les promoteurs immobiliers dès lors qu’il n’y a pas une réglementation obligeant à construire en passif, ce qui est le cas en France.

Pourtant, des investisseurs privés comme des promoteurs immobiliers peuvent trouver un intérêt financier à construire en passif même si cela implique un surcoût à la construction.

Dans la région du Brabant wallon, à Braine-l’Alleud, Deux investisseurs privés

Deux bâtiments reliés par une entrée commune

Crédit photo Stijn Bollaert pour A2M

deux sociétés d’assurance AXA Belgium et AG Real Estate ont fait construire deux bâtiments passifs articulés autour d’une même entrée circulaire pour vendre (ou louer) des bureaux par plateau. Ces bâtiments accueillent 400 collaborateurs sur une surface utile de 6 100 m². Le bâtiment comprend aussi 3 000 m² de parking en sous-sol.

Crédit photo Stijn Bollaert

Crédit photo Stijn Bollaert pour A2M

Ces bâtiments servent de vitrine pour les deux investisseurs et leurs apportent comme un second souffle pour montrer l’exemple et prendre les devants par rapport à leurs concurrents.

Les bâtiments revêtent un haut niveau de standing et, de ce fait, le passif a un prix de sortie assez comparable à un bâtiment standard. Le coût de construction s’est élevé à 8,97 millions € soit 1 500 €/m² HT. Les bâtiments ont rapidement trouvé preneurs.

Les bâtiments ont été certifiés Breeam Excellence et Bâtiment Passif (fin 2016).

A Kempten en Bavière, un promoteur public

un promoteur municipal a innové en construisant un bâtiment passif dédié à la location de bureaux. La construction exigeait une rentabilité élevée pour équilibrer les autres activités du promoteur municipal. Celui-ci gère également des logements sociaux sans profit et a besoin globalement d’une rentabilité de 5 à 8 % par an.

Ce bâtiment comprend 4 niveaux au-dessus d’un niveau de parking en sous-sol et s’intègre dans un tissu de centre-ville historique, du fait de sa toiture double pente. La hauteur sous plafond est de 3, 35 m au rez-de-chaussée et de 3,10 m dans les étages, la hauteur utile étant respectivement de 3 m et de 2,75 m. Le volume total du bâtiment est de 11 500 m3.

Bâtiments passif dans le centre historique de Kempten

Crédit photo Catherine Charlot-Valdieu

L’immeuble d’une surface de 2 600 m² est loué à 9 entreprises dont Siemens qui occupe la moitié de la surface du bâtiment.

Le promoteur estime que son activité de gestionnaire a été grandement simplifiée, les charges étant réparties au tantième du fait des très faibles consommations d’énergie. Le coût total du projet (construction, foncier, études) a été de 7,5 millions € soit 2 880 €/m². Le bâtiment est certifié Passivhaus (mars 2013) et DGNB (label allemand équivalent à Breeam).

Coupe du bâtiment

Source Architekturbüro Huber

A Ravensburg en Bavière, une entreprise de construction

Une entreprise de construction a souhaité elle-même investir dans l’immobilier de bureaux et construire un bâtiment passif destiné à la location.

Le bâtiment en U sur 4 niveaux et un parking souterrain

Crédit photo Herz & Lang

Le bâtiment d’une surface de 5 171 m² en forme de U est orienté sud-est/nord-ouest sur 4 niveaux (R+3), les parkings étant au sous-sol (celui-ci ne comportant qu’un seul niveau). Une branche de ce U est occupée au rez-de-chaussée par un supermarché bio Alnatura, tandis que la plus petite partie du bâtiment est occupée sur les 4 niveaux par la Caisse d’Assurances Santé AOK, celle-ci louant des bureaux complémentaires à certains étages.

L’investisseur estime que l’investissement dans le passif est plus rentable car il est alors plus facile de trouver des locataires avec un loyer plus élevé mais qui auront beaucoup moins de charges. D’autre part le passif correspond bien à l’attente d’une certaine clientèle comme des magasins bio et des services de santé. Le bâtiment est certifié Passivhaus (novembre 2015) et DGNB argent.

A Friedrichshafen am Bodensee, au bord du lac de Constance, un investisseur propose un loyer chauffé

un investisseur qui pratique le loyer chauffé pour ses locations a construit dans un quartier en restructuration quatre bâtiments passifs, deux bâtiments associant des bureaux, neuf cabinets médicaux et des commerces (pharmacie et supermarché bio) en rez-de-chaussée et deux bâtiments de logements avec une surface totale de 6 562 m². La parcelle disponible a imposé à ce nouvel ensemble une forme triangulaire.

Les bâtiments vont de 4 à 6 étages et sont tous reliés par un garage souterrain commun (deux niveaux de parkings souterrains).

Du fait de son exposition directe aux nuisances sonores de la « Eckenerstraße », l’une des rues principales de la ville, le bâtiment n°1 (cf. photo) comporte une double peau vitrée sur l’ensemble de sa façade sud et une partie de sa façade ouest (au total ce bâtiment comprend 78 % de vitrage). De plus, son rez-de-chaussée accueille un supermarché de produits biologiques et une pharmacie qui répondent, eux aussi, aux exigences du standard Passif.

Façade en double peau vitrée du bâtiment n°1

Crédit photo Herz & Lang

Le coût total du projet (foncier, études, construction) s’est élevé à 4 400 €/m², avec un surcoût estimé à 260 €/m² soit 6 % par rapport à un bâtiment respectant la réglementation thermique en vigueur (après une optimisation réalisée par l’équipe responsable de la physique du bâtiment Herz & Lang).

Les bâtiments répondent, comme dans le cas précédent, à ces enjeux de santé et d’écologie. Le bâtiment est certifié Passivhaus et DGNB-Argent.

A Molenbeek-Saint-Jean, un investisseur en partenariat avec la commune

A 10 minutes à pied de la Grand’Place de Bruxelles, un groupe privé d’investisseurs a racheté, en partenariat avec la Commune, une friche industrielle, les bâtiments d’une brasserie renommée Belle-Vue, qui avaient été construits en 1916.

Préservation du caractère industriel du bâtiment (vue intérieure de l’hôtel)

 

Crédit photo Flilip Dujardin pour l’agence d’architecture A2M

Crédit photo Flilip Dujardin pour l’agence d’architecture A2M

L’investisseur a souhaité donner une seconde vie à ce bâtiment situé directement sur un canal et développer un projet innovant associant rénovation urbaine, mise en valeur d’un patrimoine industriel et historique, performances énergétiques, insertion professionnelle et rayonnement touristique du fait de la présence de ce canal reliant Bruxelles.

L’investisseur a transformé l’ancien entrepôt de la brasserie en un hôtel passif de 150 chambres (comprenant 719 lits). Le groupe hôtelier allemand Meininger s’y est implanté avec un contrat d’exploitation de 20 ans, le concept étant un trois étoiles low cost, avec bar et petit déjeuner mais sans restauration pour ne pas concurrencer les restaurants du quartier. Le projet est gagnant – gagnant, le groupe hôtelier ayant une facture de chauffage « ridicule » ! (0,40 €/(m².an)).

L’hôtel a une surface de 8 714 m² et les travaux de rénovation se sont élevés à 7,6 millions € HT soit 872 €/m².

Un second investisseur privé a construit un immeuble passif de 14 logements sur le site.

A Chanteloup-en Brie, un investisseur et un amenageur prennent en charge le surcout

A Chanteloup-en-Brie, en Seine-et-Marne, Bouygues Immobilier a conçu un programme original dans un lotissement de 35 maisons passives évolutives. Ce sont des constructions constituées au nord d’un noyau maçonné (briques alvéolaires) comprenant toutes les parties techniques et au sud une ossature bois préfabriquée qui peut s’étendre ensuite à l’est de la maison avec de nouveaux modules préfabriquées, la maison pouvant ainsi avoir 3, 4, 5 ou 6 pièces. Les maisons ont été proposées à la vente entre 3 700 et 3 800 €/m², se situant dans la moyenne des prix de vente du secteur (3 600 à 4 000 €/m²).

Les coûts de construction se sont élevés à 2 136 €/m² pour un 4 pièces (T4), 2 058 €/m² pour un T5 et à 1 890 €/m² HT pour un T6, soit 2100 €/m² en moyenne.

Plan de la maison la plus complète (T6)

Chanteloup-en-Brie

Le constructeur a estimé un surcoût de construction inhérent aux innovations mises en œuvre qui n’a pas été répercuté sur le prix des maisons. Il été pris en charge pour moitié par Bouygues et pour moitié par l’aménageur (Epamarne) dont l’objectif était de réaliser un projet innovant et aussi de valoriser la filière bois construction d’une part et le chanvre comme produit isolant d’autre part, ces deux filières ayant des potentiels de développement dans le département de Seine-et-Marne (dans cette opération, le chanvre a été produit en Seine-et-Marne mais transformé en Vendée).

Un des éléments du surcoût a été l’obligation d’installer dans chaque maison une boucle d’eau avec une chaudière individuelle à condensation au gaz à fort taux de modulation, inutile dans le cas d’une maison passive, l’eau chaude sanitaire étant aussi assurée en partie par des capteurs solaires.

Le système de pose de l’isolant a également été une source de surcoût. Une première couche d’isolant (120 mm de laine de verre) a été posée en usine dans l’ossature bois préfabriquée. Sur le chantier, 145 mm de laine de verre ont été posés à l’extérieur entre les montants de bois et enfin, 100 mm de laine de chanvre ont été posés en isolation intérieure.

Des maisons qui s’agrandissent avec la famille par l’ajout de module en bois

Les maisons sont certifiées Bâtiment Passif (2014) et prix de l’innovation du concours Pyramides d’argent Ile-de-France 2015.

 

 

A Heidelberg, le plus grand quartier passif du monde

La Ville fait construire le plus grand quartier passif du monde qui comportera plus de 10 000 habitants, le quartier Bahnstadt qui s’étend sur 116 hectares. La société immobilière et de gestion locative de la Ville d’Heidelberg (CGH) a lancé une opération de 96 logements passifs dont 41 appartements et 8 maisons de ville destinés à la vente. Un concours a permis de retenir quatre équipes d’architectes. Le prix de vente moyen des logements a été de 3 280 €/m².

 

Logements passifs donnant sur l’allée verte

Crédit photo Catherine Charlot-Valdieu

Un promoteur privé a réalisé, dans un dispositif d’investissement locatif, la construction d’une résidence étudiante passive de 370 studios, vendu à des investisseurs privés ainsi que des appart-hôtels et un service de restauration. Le bâtiment respecte les objectifs du Passivhaus avec un besoin de chauffage de 15 kWh/m² et une consommation d’énergie primaire totale qui bénéficie d’un réseau de chaleur et de cogénération fonctionnant au bois.

Crédit photo Catherine Charlot-Valdieu

En guise de conclusion

En Belgique comme en Allemagne mais aussi au Portugal ou encore au Luxembourg[1] et, dans une moindre mesure, en France, des investisseurs ou des promoteurs ont fait le choix du passif pour offrir à leurs clients ce qu’il y a de mieux sur le marché en termes de performance énergétique, de qualité sanitaire, de qualité de construction. Le choix du passif est rentable pour les promoteurs et investisseurs car il apporte la garantie d’une vente ou d’une location rapide et aussi d’une plus faible rotation locative du fait des charges de chauffage quasi nulles et d’un excellent confort.

On remarquera qu’en Belgique comme en Allemagne, le prix de vente ou de location des immeubles passifs peut être un peu plus élevé que le prix sur le marché mais que cela ne pose aucun problème de vente ou de location dans la mesure où les clients s’attendent à voir leurs charges réduites. La confiance qu’ont les clients dans la performance réelle du bâtiment est un élément crucial pour la diffusion du passif, le promoteur n’investissant que là où il est sûr de vendre. La labellisation est certainement un gage de confiance.

[1] Citons le promoteur immobilier belge Atenor qui a fait construire un bâtiment passif de 21 300 m² à Belval au Luxembourg (conception Moreno architecture & Associés, Felgen, ICB, Qbuild, Enerenvi). Ce bâtiment est aussi neutre en carbone et a reçu les labels Passive House, BREEAM excellent et WELL gold. Le même promoteur ATENOR a également construit un bâtiment passif à Lisbonne, au Portugal. Ce bâtiment destiné à une société immobilière portugaise a une surface de 26 900 m². Il est également labellisé BREEAM excellent et WELL gold.

 

Acteurs des différents projets cités

  • Braine-L’Alleud :

Investisseur : AXA Belgium et AG Real Estate ; Architecte et Physique du bâtiment : A2M

  • Kempten :

Investisseur : Die Sozialbau Kempten Wohnung-und Städtebau GmbH ; Architecte : Architekturbüro Huber ; Physique du bâtiment : Herz & Lang GmbH

  • Ravensburg :

Investisseur : Georg Reisch GmbH & Co. KG ; Architecte : Berger Röcker Gork  et Ladislaus Wichert ; Physique du bâtiment : Herz & Lang GmbH

  • Friedrichshafen :

Investisseur : Fränkel AG ; Architecte : Adelheid Maier-Kirmaier ; Physique du bâtiment : Herz & Lang GmbH

  • Molenbeek-Saint-Jean :

Investisseur : Nelson Canal ; Architecte et Physique du bâtiment : A2M

  • Chanteloup-en Brie :

Investisseur : Bouygues Immobilier ; Architecte : Agence AW2 ; Physique du bâtiment : Pouget Consultants

  • Heidelberg :

Logements : Investisseur : GCH ; Architectes : Jürgen Mayer, Jöllenbeck & Wolf, Hübner + Ehrard & Partner, Bernd Grüttner ; Physique du bâtiment : Solares Bauen

Résidence étudiante : Investisseur : I-Live GmbH ; Architecte : Al+P Planungs GmbH, Physique du bâtiment : Solares Bauen

Performances des bâtiments présentés

Opération Activités Besoin de chaleur chauffage en kWh/m² Puissance de chauffe en W/m² Conso énergie primaire tous usages en kWh/m² Etanchéité à l’air

n50 en vol/h

Braine l’Alleud (A et B) Bureaux 5 et 10 12 et 9 79,7 et 81 0,50 et 0,40
Kempten Bureaux 14,2 14,8 127,2 0,21
Ravensburg Bureaux ERP* & Commerces 15 17 124 0,47
Friedrichshafen am Bodensee Bureaux

ERP

Commerces

15 19 165 0,43
Molenbeek-Saint-Jean Hôtel 3* 24 (rénovation) 12,1 47 ** 0,40
Chanteloup-en-Brie Logements individuels 11 12 90 0,40

* ERP : établissements recevant du public

* * Consommation en énergie primaire pour le chauffage, l’ECS et la ventilation

 

Pour en savoir plus sur ces bâtiments passifs

Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Maisons Individuelles Passives, éditions Le Moniteur, 2019, 399 pages

Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Bâtiments Passifs Tertiaires, éditions Le Moniteur, 2018, 462 pages

Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin, Nouvelles Architectures Ecologiques, éditions Le Moniteur, 2016, 397 pages

Rédacteurs : Philippe Outrequin et Catherine Charlot-Valdieu

Contact : outrequin.philippe@gmail.com