Pics de pollution, COV, particules fines… : la qualité de l’air est au cœur des actuels enjeux de santé. En passif, l’étanchéité à l’air renforcée change-t-elle la donne ? La ventilation double-flux joue-t-elle un rôle protecteur ?
Nous avons posé la question à Stéphane Cochet, architecte passif dont le bâtiment montreuillois s’est distingué lors du pic de pollution du début d’année 2017.
Retour sur un architecte expert du passif
Stéphane Cochet est architecte au sein du groupement A003architectes. Membre de la Maison Passive depuis 2007, il est certifié CEPH depuis 2010.
En 2017, son dernier projet passif pour la ville de Montreuil a été salué pour ses performances énergétiques comme sanitaires par Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat Durable, et Andrée Buchmann, présidente de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur.
Un enjeu environnemental… et sanitaire
Les enjeux sont considérables sur le plan de l’environnement, de la santé mais aussi en termes de confort. Selon l’Ademe, en 2012 dans le monde, 4,3 millions de décès prématurés (dont 18 000 en Europe) étaient liés à la qualité de l’air intérieur. L’Ademe évalue à 80 % en moyenne, notre temps passé dans des endroits clos : lieu de travail, domicile, établissements scolaires, lors des déplacements (transports en commun, voiture, etc…).
La qualité de cet air intérieur est donc cruciale. Stéphane Cochet précise : « L’air extérieur est chargé en polluants type Ozone, Dioxyde d’Azote et particules fines type PM10 et PM2,5 www.airparif.asso.fr et en poussières allergènes, pollens etc. L’air intérieur, lui, est affecté par les Composés Organiques Volatils (COV) qui regroupe la plupart des substances polluantes intérieures. Ces COV sont issus des matériaux de construction, du revêtement de sol, […] des produits ménagers et du mobilier, des activités de combustion (cuisine, chaudières etc). Elles sont donc les premières sources de polluants de nos intérieurs. »
En filtrant l’air entrant et en assurant un renouvellement de l’air intérieur continu, l’air intérieur est déchargé d’une bonne partie de ces particules volatiles.
La ventilation double-flux, véritable atout « air pur »
La construction passive comporte un critère d’étanchéité à l’air extrêmement élevé. Par rapport aux exigences de la RT2012, le critère passif est cinq à dix fois plus élevé. Pour ne pas que le bâtiment se transforme en thermos, celui-ci est équipé d’un type de ventilation spécifique, la VMC double flux à échangeur thermique. Celle-ci a, comme son nom l’indique, pour caractéristique principale de récupérer la chaleur de l’air sortant l’hiver.
Mais les VMC double-flux ont une autre caractéristique plus méconnue : elles sont systématiquement équipées d’un filtre, ce qui n’est pas le cas des ventilations classiques. [Citation Cochet]. En effet, avec une ventilation simple-flux, l’air est directement aspiré depuis l’extérieur : ce sont les bouches ou les fentes que l’on peut voir au-dessus des fenêtres de nos logements ou bureaux. Dans une double-flux, l’air est aspiré à l’extérieur puis transite dans le cœur de la centrale, où il est filtré, avant d’être réinjecté dans les pièces de vie.
Sur ce point, notre expert souligne « La VMC double flux est l’organe central d’un bâtiment passif. Elle permet un renouvellement d’air constant et garantit que l’air qui pénètre dans le bâtiment est filtré « .
Ainsi : »Une VMC double-flux permet de filtrer 95% de ces particules fines qui font tant parler d’elles. »
A noter que la ventilation double-flux est encore très minoritaire en France : seul 1,1% des constructions en sont équipées, d’après l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur.
Comment garantir la qualité de l’air ?
La réglementation actuelle et notamment la RT2012, pose la problématique suivante de s’appuyer sur des estimations théoriques. Notre expert Stéphane Cochet, revient sur l’intérêt du passif et du logiciel de calcul de thermique du bâtiment, le PHPP :
« L’avantage du passif c’est qu’il s’appuie sur des campagnes de mesures [Les relevés du PHPP] ont établi qu’une VMC double-flux permet d’atteindre un niveau IDA3. L’IDA est un indice de qualité de l’air intérieur qui va d’une échelle de 1 à 5 et qui correspond à une concentration de Particules Par Million (PPM) qui va de 200 à 1 000 PPM dans l’air. » Là-dessus, il relativise en nous alertant sur les risques liés au chauffage de l’air. En effet, le passif utilise la ventilation pour chauffer sur l’air, et fait circuler la chaleur via le réseau de ventilation existant. Sur ce point également, il relève la pertinence du PHPP :
« Au-delà de 52°, on grille les particules. […] C’est pourquoi dans le logiciel de conception passive, le PHPP, une fonction est dédiée au calcul de la chaleur de l’air, et une alerte s’enclenche quand les 52° sont atteints. Cette attention portée aux conséquences d’un air trop chaud n’existe nulle part ailleurs qu’en passif. »
Autre facteur impactant la qualité de l’air : l’humidité. « Le PHPP porte [aussi] une attention particulière à l’humidité. Pour éviter tout risque de condensation (et donc de moisissures), le logiciel exige un renouvellement d’air minimum de 0,3 volume par heure « , nous explique Stéphane Cochet.
Les débits de ventilation sont dimensionnés en Passif pour maintenir à l’intérieur du logement, hiver comme été, des niveaux d’humidité relative (h.r.) compris entre 35 et 55% qui correspondent au niveau de confort hygrothermique optimum (courbe de Bragger).
Le développement des échangeurs adiabatique/enthalpique sur les nouvelles générations de CTA double flux, permet de réhumidifier l’air souvent sec en hiver, et de déshumidifier l’air humide en été participant ainsi au rafraichissement passif des logements. Ces échangeurs permettent en outre d’améliorer l’efficacité énergétique des CTA car les échangeurs sont moins soumis aux effets de gels l’hiver et donc la consommation des résistances de préchauffage de l’Air Entrant sont réduites.
Montreuil : un projet exemplaire
Pour mieux nous illustrer le concept de la qualité de l’air, Stéphane Cochet nous présente un projet passif sur lequel il s’est investi, celui de la résidence collective passive réalisée à Montreuil. Dans ce projet, il avance comment la ventilation double flux a été intégrée dès la phase de conception :
« Les plafonds ont été abaissés à 2,20m dans les couloirs des appartements pour abriter un réseau de gaines. L’air est ensuite insufflé au-dessus des portes des salons et des chambres, qui retrouvent une hauteur sous plafond de 2,50m, par des bouches de soufflage dites à effet Coanda. »
L’architecte a donc intégré en amont sur les plans du projet, le système de ventilation. Le projet est surtout pensé sur le long terme : « […] comme pour tout système de ventilation, il est nécessaire de prévoir un nettoyage des gaines tous les 10 ans. Nous avons donc aménagé des trappes dans les couloirs pour y accéder. »
Il relève un autre point de vigilance sur l’entretien des bâtiments collectifs sociaux :
« Pour assurer une bonne maintenance, ce qui est important, c’est de mettre en place une centrale de ventilation centralisée […] pour ne pas avoir à rentrer dans les appartements. […] C’est le gardien qui change les filtres, en général tous les trois mois. »
Une ventilation dite « naturelle » ne suffit-elle pas ?
Notre expert nous met en garde contre la tendance concernant la ventilation « naturelle ». La ventilation dite « naturelle » est une ventilation simple flux qui se présente comme non mécanisée et qui permettrait d’économiser sur le poste énergétique de la ventilation, qui, en conception passive devient un poste relativement important puisque tous les autres postes, notamment de chauffage, sont réduits.
Le principe de la ventilation dite naturelle équipait tous les bâtiments des années 60/70 avant la réglementation de 1982 sur la VMC mécanique. Elle est basée sur un système de shunt qui amène l’air neuf et extrait l’air vicié sur un principe de pression et dépression (ventilations basses et hautes). Les débits ayant été jugés insuffisants avec le développement des premières réglementations thermiques (1979) et l’amélioration de l’étanchéité à l’air des bâtiments, la ventilation mécanique (simple flux) a remplacé ce système de ventilation dit « naturelle ».
Il revient en force aujourd’hui dans la conception des bâtiments dits « frugal » avec un en exemple l’opération de BedZed. Peu de campagne de mesure sont menées sur ces systèmes qui permettraient réellement de les évaluer. Ces systèmes sont par ailleurs assistés de nombreux moteurs qui assurent le relais quand les phénomènes de dépression ne sont pas suffisant pour assurer un tirage « naturel »
Pour lui, cette ventilation est incomparable avec la double-flux. Il avance ces arguments pour le passif et la VMC double-flux :
« Quand la RT2012 demande qu’un logement soit à une température de 19°, ça ne marche pas en ventilation « naturelle » ou simple flux : on fait entrer de l’air froid et on rejette de l’air chaud ! En, injectant directement de l’air extérieur au droit des fenêtres, on génère des effets de parois froides et courants d’air qui refroidissent le logement. Pour atteindre les 19° au thermomètre, on est obligé de chauffer à 21° /23°C avec des sensations d’inconfort et des effets de stratifications de température différentes entre les pieds à 17°C, le corps à 21 et la tête à 24…. »
Sa conclusion est donc sans appel :
« La ventilation double-flux a donc un impact en termes de confort autant que de qualité de l’air intérieur. »