Des premières constructions en forme de cube au bâtiment de la Filature (groupe Matmut), à la façade ondulante, à Rouen, on note une véritable évolution esthétique. Celle-ci ouvre de nouvelles perspectives pour les professionnels de la construction passive et plus particulièrement les architectes.
Comment réconcilier le passif avec l’architecture ? Le triple vitrage bombé est un nouveau matériau technique qui ouvre le champs des possibles. Le fabricant nous expose comment sa mise en oeuvre inédite a permis de construire passif tout en suivant des contraintes architecturales fortes. Puis l’Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) nous expliquera comment la sobriété énergétique est à portée de main.
Le bâtiment de la Filature
- Lieu : Rouen
- Maître d’ouvrage : Matmut
- Coût : 42 721 282 € HT
- Surface de plancher : 17 660 m²
- Performance énergétique visée : label Bâtiment Passif
Le triple vitrage bombé, une mise en œuvre inédite
La Maison Passive a donc interrogé, Christophe Roman, chargé d’affaire chez le fabricant de façades vitrées Coveris pour cerner au mieux les points saillants de la mise en oeuvre de ce matériau qui rend ce bâtiment unique.
Rappel des composantes du verre
- triple vitrage
- verre bombé
- feuilleté double face
- μ de 0,57 pour 11 kw/h et 0,3 en étanchéité à l’air
- système de portage sans jonction non traversant, bord à bord; technique du clamé
- réalisation sur mesure
Le verre bombé a été conçu sur mesure en triple vitrage avec une couche de contrôle solaire. Ce qui est véritablement intéressant dans l’utilisation de ce verre est sa mise en œuvre.
« Pour répondre aux exigences du maître d’ouvrage et la volonté de l’architecte, nous avons utilisé des verres bord à bord », explique Christophe Roman. Grâce à cette technique, aucun élément extérieur ne tient le vitrage. C’est habituellement une structure qui maintient tous les panneaux et qui est source de ponts thermiques très importants. De plus, par ce principe, on obtient une dimension esthétique nouvelle. L’architecte a conçu et voulu cette façade avec un aspect lisse.
La façade est constituée à la fois de panneaux concaves et convexes. Habituellement, on retrouve toujours une disparité entre ces deux verres. La prouesse ici a été de les faire correspondre pour créer une surface courbe sur un seul plan et surtout avec une seule et même esthétique. L’axe vertical est plan et l’axe horizontal est courbe.
3 ATEX pour ouvrir de nouvelles possibilités
« Avec la collaboration de notre gammiste Reynaers, nous avons recrée un nouveau profil en aluminium à partir d’une gamme existante », détaille Christophe Roman. En France, ce type de verre n’est pas encore répertorié et doit donc suivre une procédure ATEX (Appréciation Technique d’Expérimentation). Sur ce projet, Coveris a totalisé 3 ATEX pour les défendre auprès du CTSB. Chaque partie de la structure a fait l’objet d’une expérimentation : que ce soit au niveau du montant, des pièces ou du vitrage.
La sobriété énergétique à portée de main
Pour savoir comment favoriser le passif et connaître sa position en tant qu’Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) sur ce bâtiment, nous avons interviewé Paul-Louis Sadoul, Ingénieur chez Solares Bauen et formateur CEPH à La Maison Passive.
« Je suis arrivé sur le projet pour encadrer les équipes et le bureau d’études en tant qu’AMO (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage) pour construire passif, selon la volonté du maître d’ouvrage », rappelle Paul-Louis Sadoul.
Il poursuit : « Je suis fier du bâtiment de La Filature. Il permet de répandre les méthodes constructives passives et intègre une dynamique de sobriété énergétique inédite pour un bâtiment de cette ampleur en tertiaire. Il ouvre le champ des possibles pour les architectes.
Pour respecter les principes passifs, nous devions obtenir des résultats concluant sur les tests d’étanchéité à l’air. Pour cela, nous avons demandé aux ouvriers de suivre une formation sur ce principe. D’ailleurs, c’était une condition d’accès au chantier. Pour rendre cette formation attractive, une vidéo a été tournée en expliquant comment procéder et utiliser les matériaux. Si les ouvriers n’avaient pas visionné la vidéo, ils ne pouvaient pas travailler.
Avec le recul, ce que j’apprécie tout particulièrement sur ce projet c’est qu’il a permis au maître d’ouvrage de pousser sa réflexion sur ses dépenses énergétiques. Que se soit au niveau des postes informatiques, des distributeurs, des éclairages et de la consommation en eau chaude, tout a été étudié. »
Pour la distribution en eau chaude sanitaire, Solares Bauen a suggéré de réduire l’apport. Au final, sur cinq vasques, une seule est équipée en eau chaude. Seule un sticker avec un logo permet de différencier cette vasque des autres. C’est ce genre d’astuce qui prouve que les comportements peuvent évoluer pour peu qu’on les oriente dans la bonne direction.
« La sobriété énergétique est à portée de main », conclut Paul-Louis Sadoul. D’autant que les fabricants d’équipements informatiques et électriques suivent naturellement cette dynamique. Entre 2012 et 2016, les chiffres de la consommation électrique de ces équipements se sont effondrés. Les ordinateurs, par exemple, consomment moins : leur consommation d’énergie primaire est passée de 140 à 123 kWh en quatre ans. De quoi faciliter l’atteinte du standard passif dans les années à venir.
Sources iconographiques : (©FM/Normandie-actu), Cabinet d’architecture Artefact, Coveris.fr