Dans le Var vient de sortir de terre une maison passive pas comme les autres… Il s’agit de la première maison passive certifiée Premium de France ! Cette catégorie, la plus exigeante du panel passif, récompense les bâtiments qui produisent plus d’énergie renouvelable qu’ils n’en consomment.
Entre conception, mise en œuvre et performances, on vous dévoile ce projet pionnier.
Une conception de longue haleine
Lorsque les propriétaires ont décidé de faire construire leur nouvelle maison, ils avaient une priorité en tête : une sobriété énergétique exemplaire. En faisant de longues recherches, Jean-Louis Bidart découvre la construction passive en 2014. Ingénieur de formation, le passif lui paraît comme une évidence pour concevoir sa maison. Commence alors un long travail de conception de Jean-Louis Bidart réalise lui-même sur certains points (réseaux) et en collaboration avec l’architecte Valérie Gug-Foucher d’Ideatectum. Pendant un an et demi, le projet change, mûrit (notamment au niveau des solutions techniques) et est prêt à sortir de terre au début de l’été 2015. C’est à l’époque que le Passivhaus Institut décide de faire évoluer le label passif vers les énergies renouvelables et crée les catégories Plus et Premium.
La catégorie Premium ? Un hasard
Le propriétaire, soucieux de savoir si son travail de conception allait dans la bonne direction, a sollicité une certification en deux temps auprès de La Maison Passive. Le rapport intermédiaire est sans appel et arrive à la même conclusion que le bureau d’études thermiques Heliasol : avec quelques changements minimes, la catégorie Premium du label Bâtiment Passif est à portée de main. Il s’agirait alors de la première maison passive avec une telle performance énergétique sur le territoire français.
1 kilowatt-heure de chauffage
Si le projet est aussi proche de la catégorie Premium, c’est parce qu’il intègre une production photovoltaïque importante (les propriétaires disposent d’une voiture électrique et voulaient couvrir le rechargement au mieux) mais aussi parce qu’il se situe dans le Var, une région au climat très doux et qui permet de se passer de chauffage. En effet, le besoin de chauffage s’élève à 1 kWh par m² et par an. L’architecte Valérie Gug-Foucher explique : « Il n’y a pas de système de chauffage dans cette maison car ce sont les vitrages qui jouent ce rôle ».
Pour permettre au bâtiment de rester frais à la belle saison, l’architecte a misé sur une grande inertie thermique, avec des murs en parpaings sur radier béton et un plancher béton sous toiture.
Côté isolant, les parois ont environ 20 cm d’isolant, ce qui est très étonnant pour les artisans de la région, habitués à placer environ 10 cm d’isolation maximum. Le radier est isolé avec 30 cm de Misapor (lambda de 0,12, un composant qui a récemment obtenu le document technique d’application délivré par le CSTB), les murs sont isolés par l’extérieur avec 20 cm de polystyrène graphité (lambda de 0,032) et les combles sont isolés avec de la ouate de cellulose (lambda de 0,039), à raison de 27 cm.
L’objectif de performance visé était le standard passif Classique. Mais la catégorie Premium concrétise plus encore la volonté de sobriété énergétique des propriétaires : le changement de cap est décidé, le bâtiment sera Premium.
Facile comme du passif
On pourrait penser que réaliser un bâtiment passif de catégorie Premium est un exercice périlleux, pourtant l’architecte et le bureau d’études s’accordent sur le même point : cela n’a pas été particulièrement difficile. Déjà, car les conditions du Var s’y prêtent particulièrement : beaucoup d’ensoleillement et un climat très doux, mais aussi parce que la construction passive gagne en facilité au fur et à mesure qu’on la pratique.
L’architecte témoigne : « la conception passive n’est pas quelque chose qui emprisonne, mais quelque chose d’extrêmement libre. Il suffit de prendre les 4 principes de la construction passive et de les coupler à la demande du client, qu’elle s’attache à l’esthétique, à la performance ou à un budget en particulier ».
Du budget pour les panneaux solaires
Franck Janin, du bureau d’études Heliasol explique : « Arriver à la catégorie Premium n’était pas si compliqué, mais plutôt une question de budget. Le toit était prêt à recevoir le nombre de panneaux photovoltaïques suffisant ».
En redessinant le projet pour qu’il ait le moins de ponts thermiques possible, en jouant avec les épaisseurs d’isolant pour gagner en budget (le projet passe de 60 cm d’isolant graphité à 30) sans remettre la performance en jeu, l’équipe de conception a permis de dégager le budget suffisant pour arriver à la performance Premium.
Le bâtiment était déjà optimisé dans ses consommations à la base, il a simplement fallu monter en gamme en panneaux photovoltaïques pour atteindre la catégorie Premium.
Un confort et une performance qui se vérifient aujourd’hui. Les propriétaires ont emménagé en février et n’ont pas allumé le chauffage depuis l’emménagement, grâce à une température moyenne de 22°C. Ils s’étonnent même « On a plus chaud sans chauffage que dans notre précédente maison où on chauffait souvent ! ».
Avec les beaux jours arrive la phase cruciale du test du confort d’été. Un défi qui n’en est pas un pour le propriétaire : « Lors des visites de chantier pendant les fortes chaleurs de l’été 2016, la température intérieure est toujours restée agréable, nous avons confiance ! »
Convaincre les artisans
Le plus gros défi du chantier a été de concrétiser le bâtiment avec les artisans locaux. Le propriétaire passe tous les jours sur le chantier et le suit de très près. Il s’implique beaucoup, allant même jusqu’à aider les artisans qui découvrent bien souvent des composants qu’ils ne connaissent pas et des nouveaux principes à respecter (notamment au niveau du perçage). Il participera même activement à la pose des réseaux de ventilation et de plomberie, vu qu’il a réalisé les tracés lors de la conception du projet.
La construction passive est encore très rare en région sud-est et faire changer les habitudes des artisans n’est pas chose facile. Valérie Gug-Foucher explique : « Les artisans vivent mal de revoir toutes leurs méthodes et surtout d’être beaucoup surveillés par l’architecte ». Des tensions peuvent apparaître, comme pour un artisan qui quitte le projet en disant « Je ne veux pas construire une maison de martien ! » Au final, si certains corps de métier étaient réfractaires, les participants au chantier sont contents d’avoir pu gagner en expérience grâce à ce projet, unique sur le territoire.