EuroPHit : études de cas Nord

La rénovation par étapes a le vent en poupe. C’est ce qu’indique le rapport de l’Ademe sur l’amélioration énergétique du logement : en temps de crise, les maîtres d’ouvrage préfèrent étaler les dépenses sur plusieurs années.

C’est pour proposer des solutions adaptées à cette nouvelle réalité que le programme européen EuroPHit est né. Son but ? Développer des outils pour mettre en place facilement une rénovation par étapes au standard passif. Cerise sur le gâteau, en étalant les travaux sur la durée, EuroPHit postule que la rénovation peut se faire sans surcoût !

Explication pratique en 2 bâtiments, avec le bailleur social SIA Habitat, gestionnaire d’un parc de 32 000 logements dans le Nord-Pas-de-Calais.

RÉPONDRE AUX ENJEUX DE LA RÉNOVATION ET PASSER AU PASSIF

Pour le bailleur SIA Habitat, participer à EuroPHit permet de répondre à des objectifs de courts et moyens termes. La rénovation est aujourd’hui l’enjeu majeur du secteur du bâtiment. Ce bailleur a mis en place un plan de rénovation lourde pour 8 000 logements miniers très énergivores. Les 2 projets pilotes, à Auby et à Courcelles-Lès-Lens, appartiennent à des logements situés en classes énergétiques D-E, dont le plan de maintenance initial prévoyait des travaux conformes à la réglementation thermique. EuroPHit permet de garder cette logique de maintenance en y incorporant sur plusieurs années des travaux permettant d’atteindre le standard EnerPHit / Bâtiment Passif rénové.

POUR LES LOCATAIRES, MOINS DE CHARGES ET PLUS DE CONFORT

L’objectif du bailleur est également de mieux accomplir sa mission de service public. En effet, la transition vers le standard passif signifie une véritable montée en gamme en termes de confort. Les températures intérieures sont stabilisées, les murs et fenêtres ne sont plus froids, aucun courant d’air ne circule… C’est donc, pour cet office HLM, la possibilité d’améliorer la qualité de vie de ses locataires.

Autre point non négligeable, les expériences en logement sociaux ont prouvé que le recours au passif diminue les impayés de charges. En effet, celles-ci étant drastiquement réduites (divisée par 4 dans le cas de Courcelles-Lès-Lens), il est beaucoup plus simple pour les locataires aux revenus modestes de s’en affranchir. De quoi améliorer considérablement les relations bailleurs/locataires.

Le passif est un concept simple, qui ne nécessite pas de systèmes alambiqués. En ce sens, il réduit les risques de pannes ou casses. Le recours à ce mode constructif a donc aussi pour but d’améliorer et de pérenniser les logements. Enfin, la labellisation EnerPHit, qui doit venir valider le projet, est un gage de qualité. Elle couronnera le travail de toute une équipe.

PENSER LE BÂTIMENT COMME UN ÉCOSYSTÈME

Dans le projet EuroPHit, chaque rénovation d’une partie est pensée dans l’optique d’une mise aux normes passives du bâtiment dans son ensemble. À l’image du BIM, le projet envisage le bâtiment comme un écosystème, définit un plan d’ensemble, anticipe les travaux futurs. Grâce à cette vue d’ensemble, chaque étape de travaux sera faite sans compromettre les chantiers à venir. Il s’agira, par exemple, d’installer des fenêtres qui faciliteront la pose ultérieure de l’isolation par l’extérieur.

La performance énergétique de chaque composant doit être compatible avec le standard passif. Les fenêtres sont un cas important, car c’est un poste de dépenses conséquent : pour atteindre le niveau passif, la pratique recommande que les fenêtres perdent autant de chaleur qu’elles ne transmettent d’apports solaires pendant l’hiver. Pour réaliser cela sur un bâtiment existant, avec une ouverture solaire généralement modérée, les fenêtres isolées en triple vitrage (en vert sur la carte) sont la meilleure option dans le Nord de la France comme sur l’ensemble des régions hors littoral aquitain et méditerranéen. Sur ces côtes, les fenêtres double vitrage (de jaune à orange) peuvent suffire à assurer le besoin de chauffage.


Carte-France-Vitrages---petit

Valeur Uw mise en œuvre max [W/(m².K)] pour un bilan de chaleur positif en hiver, sur un bâtiment existant type.

L’objectif du projet est également de développer une procédure favorisant le retour sur investissement. Grâce à une vision financière globale, les économies réalisées dans la dépense énergétique en m²/an équilibrent le montant de l’investissement. Mieux : les sommes épargnées au fil des mois permettent de financer les prochaines étapes de la rénovation.

En effet, même si le bâtiment n’atteint le niveau passif qu’en fin de projet, les parties rénovées aux normes passives connaitront des coûts de chauffage au m² très inférieurs aux parties non isolées.

À AUBY, UNE RÉNOVATION PASSIVE SANS SURCOÛT

Le site d’Auby, au sud de la métropole lilloise, rassemble 24 maisons construites en 1978. Depuis lors, aucun travail sur l’enveloppe n’a été réalisé. Construites en parpaings de 20 cm, elles ne bénéficient guère que de 7 cm d’isolation intérieure. Un chiffre honorable pour un bâtiment des années 70, mais qui aujourd’hui, peut être amélioré. La dalle béton est isolée par 6 cm d’XPS en sous-face et les planchers hauts sont recouverts de 10 cm de laine de verre entre les solives. Les pavillons sont équipés de chaudières individuelles à gaz, récentes, et de ventilation simple flux dans les combles. Des fenêtres de petite taille sont orientées est-ouest.



Le premier jalon est établi pour 2018. À cette date, la consommation de gaz aura chuté de 20 %. Des travaux d’étanchéité en comble auront été effectués, et une ventilation double-flux posée. À horizon 2020-2025, le niveau passif doit être atteint, avec une consommation de gaz réduite de 90 % par rapport à sa valeur initiale. Des travaux d’isolation de la façade, des combles et des dalles de garage, puis d’étanchéité à l’air auront été menés. Des fenêtres triple vitrage auront été installées, ainsi qu’un récupérateur de chaleur sur eaux grises et une installation solaire thermique. À l’aboutissement du projet, le besoin de chauffage sera tombé à 25 kWh par m² et par an, soit 13 % de sa valeur initiale. Le tout agrémenté de gains de confort tangibles pour les occupants.

La particularité de cette réhabilitation est de s’effectuer sans surcoût global par rapport à une maintenance réglementaire. Atteindre l’excellence énergétique sans se ruiner, qui dit mieux ? En effet, le coût global annuel du site, rénové selon un plan de maintenance à efficacité énergétique conforme à la réglementation thermique, atteint 3 500 € par logement. Le projet EuroPHit propose d’effectuer les travaux de rénovation et de montée en gamme sans dépasser ce budget.

Comment ? En inversant les coûts d’exploitation et les coûts d’investissement. Un bâtiment passif étant extrêmement économe en énergies, le budget non dépensé dans les charges de chauffage sera réinvesti dans les travaux de rénovation. C’est ce qu’illustre le diagramme prévisionnel ci-dessous, pour le projet situé dans la commune d’Auby.




Quel poids de l’investissement dans le coût global annuel ?

DES CHARGES DIVISÉES PAR QUATRE A COURCELLES-LÈS-LENS

À Courcelles-Lès-Lens, ce sont 2 petits immeubles de 3 étages qui attendent d’être remis à neuf. 32 logements au total, sortis de terre en 1978 et dont seules les menuiseries ont été changées en 1995. Construits en béton préfabriqué, ils sont protégés par 8 cm d’isolant minéral et disposent de fenêtres double vitrage. Une ventilation simple flux collective opère depuis la toiture. Les radiateurs et les cumulus individuels sont électriques, ce qui entraine une consommation d’énergie primaire élevée. Pour l’année 2013, les relevés donnent des besoins en chauffage de 80 kWh par m², et un budget énergétique moyen par foyer de 1 630€ par an.



La méthodologie retenue ici est donc de rénover progressivement en suivant les besoins du bâtiment et de ses occupants. Les murs seront les premiers à connaître un coup de neuf, suivi des fenêtres et de la ventilation, puis, des balcons en 2017, du toit, du chauffage, de l’ECS et des éclairages domestiques, à horizon 2020.

Dès l’an prochain, le premier bouquet de travaux permettra de faire baisser de moitié les besoins de chauffage. La facture énergétique dans le bâtiment rénové au standard passif s’élèvera alors à 395 € par foyer, soit quatre fois moins que le montant actuel ! Un gain de pouvoir d’achat considérable pour les occupants.

La montée en gamme passive représente un surinvestissement de 12 à 19 000 €, soit 300 €/m² SHAB. Une dépense qui équivaut sur 20 ans à la valeur financière des économies d’énergie réalisées. Aussi, dès 2020, les économies réalisées sur les factures d’énergie sont du même montant que les dépenses de chantier. La recherche de financement par le bailleur demande d’explorer de nombreuses pistes : dégrèvement de taxe foncière, dispositif de troisième ligne sur quittance, certificats d’économie d’énergie. La contribution d’un tiers-financeur pourrait faciliter cette étape critique du montage financier des opérations.

SIA Habitat veille aussi à ne pas creuser les inégalités entre ses locataires. Il s’assurera donc que les voisins des bâtiments rénovés au standard EnerPHit ne soient pas exclus de cette stratégie de maintenance. On retrouve ici la philosophie du projet EuroPHit : rénover progressivement notre patrimoine bâti, selon un rythme adapté aux situations, avec pour priorités le confort des occupants et la transition énergétique concrète.



Dès 2020, les économies réalisées sur les factures d’énergie sont du même montant que les dépenses de chantier.

Intéressés par la rénovation au standard passif ? Découvrez la formation dédiée à la rénovation de La Maison Passive.