Le mandat de Dominique Voynet à Montreuil (93) a imprimé une dynamique écologique à la ville, et la ville accueille aujourd’hui sa première résidence collective passive. Un bâtiment qui prouve qu’on peut faire du logement social de qualité, qui prend autant soin des locataires que de l’environnement. On vous propose aujourd’hui de découvrir ce projet plus en détails.
Comment construire en milieu urbain dense ?
La maire écologiste était encore à la mairie quand l’appel d’offre du bailleur Osica a été lancé pour la construction d’une résidence passive à Montreuil, dans une rue typique de faubourg, mêlant hangars, maisons de ville et immeubles de bureaux. La parcelle dédiée au projet était très étroite et démembrée. Les deux bâtiments occupant l’espace ont été démolis, permettant de créer une seule et unique parcelle.
En proposant un bâtiment qui joue la carte de la verticalité et qui dénote dans la rue par sa façade tout bois, le cabinet d’architecture A003 a remporté le concours.
Le collectif, qui est la plus haute résidence passive construite en ossature bois d’Europe, avec ses six étages, domine le quartier. Une hauteur qui a permis au projet de s’affiner : les bâtiments avoisinants ne dépassant pas les 2 ou 3 étages, il n’y avait pas d’effets de masque sur la résidence. Les apports solaires sont maximisés et cela a permis de réduire le coût de l’enveloppe et l’épaisseur de l’isolant à 26 cm seulement.
Des habitants choyés
Qui dit « Bâtiment passif » dit « confort accru ». Cette résidence n’échappe pas à la règle. À commencer par le montant des charges, qui est divisé par deux, en comparaison à une location classique.
Il n’y a pas de radiateurs dans les 17 logements que compte la résidence, c’est la ventilation double flux qui s’occupe de tout, et qui maintient constamment une température de 19°C, grâce principalement à l’électroménager et à la chaleur dégagée par les résidents. Une chaudière (calibrée pour chauffer une petite maison) couvre l’appoint nécessaire pour toute la résidence et permet de passe de 19° à 22°C.
La réduction des consommations énergétiques a également été au cœur du projet. Les lave-linge sont directement alimentés en eau chaude, ce qui permet de réduire de 15% la consommation électrique. Les équipements ont un interrupteur qui permet d’éteindre tous les équipements électriques en veille, afin d’économiser toujours plus d’énergie.
Les habitants ont reçu une formation pour qu’ils sachent comment fonctionne les équipements mis en place dans les logements et ils ont reçu un guide de bonnes pratiques. Néanmoins, l’équipe qui a conçu le projet avait à cœur de réduire au maximum le besoin de maintenance, pour libérer l’esprit des locataires. Pour la ventilation, par exemple, il faut une maintenance moindre et non intrusive dans les logements, c’est d’ailleurs le gardien de la résidence qui a été formé pour nettoyer et changer les filtres. Autre exemple, toutes les fenêtres ont été pré-équipées de tringles à rideaux pour éviter au locataire de percer lui-même et de mettre en danger l’étanchéité du bâtiment.
Le coût de la maintenance du bâtiment a été estimé à 80 cents par mois par m² de surface habitable, sur une durée de vie de 30 ans.
Pour s’assurer de l’efficacité énergétique du bâtiment, 3 logements témoins font actuellement l’objet d’une instrumentation, ainsi que certains équipements, comme les récupérateurs de chaleur sur eaux grises. Ainsi, les locataires pourront analyser et maîtriser leurs consommations.
Du bois pour lutter contre la surchauffe
L’élément phare de cette résidence est le fait d’être un bâtiment 100% bois (seuls les fondations et l’escalier sont en béton). L’ossature en bois permet d’avoir un bâtiment 4 à 5 fois plus léger qu’un bâtiment traditionnel. Érigé en deux mois et sans échafaudage, le bâtiment a été livré en juillet 2016, ce qui lui a permis d’éprouver rapidement ses capacités en se frottant à l’épisode caniculaire de l’été 2016.
Les hausses de température ont été limitées malgré la faible inertie du bois. Les façades bois ventilées, la toiture « cool roof » travaillée afin qu’elle renvoie les rayons du soleil pour réduire la surchauffe sont autant d’éléments qui permettent de lutter contre la surchauffe dans le bâtiment et au niveau de l’îlot urbain.
La toiture est parée de brise-soleil et de volets ajourés qui font entrer la lumière sans occasionner de surchauffe dans les logements. Par ailleurs, ceux-ci sont tous traversants afin de faciliter le rafraîchissement.
Stéphane Cochet, architecte du projet, explique la démarche : « On a pris un versant différent de la construction passive. Ici, au lieu de vouloir emmagasiner de la chaleur a tout prix, on a préféré se protéger du soleil. »
Le confort d’été a donc été privilégié, et la sensibilisation des habitants a été faite en ce sens, notamment sur la réduction des apports internes liés à l’électroménager et aux équipements audiovisuels et informatiques.. D’autres détails témoignent de ce confort d’été : les tuyaux d’eau chaude qui traversent les logements occasionnent une surchauffe pendant la saison chaude. Ainsi, dans la résidence, la boucle de chauffage de l’ECS ne fonctionne que le matin et le soir, durant l’été.
À terme, la façade nord sera totalement végétalisée, ce qui permettra d’apporter de la fraîcheur dans les logements grâce à l’évapotranspiration générée par les plantes.
La réussite, tant thermique qu’architecturale, du projet a été récompensée en septembre 2016 par les Trophées Bois Île-de-France, organisés par le CNDB et Francilbois. Le bailleur Osica y a remporté le 1er prix dans la catégorie « Logements collectifs et logements groupés » pour la résidence de Montreuil.
Autres gages de sa qualité, le bâtiment a obtenu le profil A de la certification Habitat & Environnement, et le label Bâtiment Biosourcé, niveau 3.
Un air sain tout l’année
Ce bâtiment a permis de mettre en valeur une autre facette bénéfique du passif : un air sain toute l’année. Le 1er décembre 2016, à l’occasion d’un pic de pollution intense en Île-de-France, Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement et de l’Habitat Durable, accompagnée de membres de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, a visité la résidence. Cette visite a permis de mettre en valeur la qualité et la « bouffée d’oxygène » que représente ce bâtiment, qui connaît un renouvellement d’air constant avec la ventilation double flux, dans un contexte particulièrement pollué.
L’un des aspects méconnu des ventilations double flux est leur capacité à filtrer l’air pour éviter aux particules polluantes d’entrer dans les logements. Les ventilations simple flux, naturelles et mécaniques ne filtrent pas ces particules, notamment les PM 10 (particules inhalables) et PM 2,5 (particules fines), qu’on retrouve en grande quantité lors des pics de pollution et qui sont responsables d’effets secondaires tels que bronchites chroniques et asthme. Alors que les ventilations double flux filtrent 95% de ces particules néfastes et assurent une qualité d’air intérieur excellente, quel que soit le contexte extérieur.
Pour renforcer la qualité de l’air intérieur et assurer un bon fonctionnement de la ventilation double flux sur la durée, les logements ont été équipés de hotte à recyclage en cuisine qui limitent l’encrassement des conduits d’extraction en graisses.
Le coût de l’opération est de 2 000 € HT/m² habitable (hors coûts de démolition et de reprise des mitoyens). Un coût qui devient de plus en plus compétitf, au regard des bénéfices obtenus (tant énergétiques, qu’économique)…
Une opération qui a séduit la Ministre, qui a déclaré « Cet immeuble est la preuve qu’on peut faire du social de qualité. Le secteur privé devrait largement s’en inspirer car on voit bien que le bois amène un confort incomparable ».
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